À trop chercher la cueillette facile

par Claudette Bigras

a trop chercher la cueillette facile

Dernièrement, je suis allée cueillir des petits fruits chez un fermier du coin. Bleuets, cassis, framboises. Vive l’été et l’abondance des récoltes !

Les deux mains affairées à ma tâche, j’avais les oreilles disponibles pour entendre les petites tranches de vie des cueilleurs de bleuets près de moi. C’est toujours distrayant de se fondre dans un groupe de parfaits inconnus, le temps d’une cueillette, et d’échanger quelques recettes au passage.

Comme toujours, l’employé responsable de diriger les cueilleurs répète inlassablement les mêmes consignes :

– Par ici, madame. Par ici, monsieur. Cueillez de ce côté. Et quand il n’y aura plus de fruits mûrs sur votre plant, prenez celui d’à côté.

La plupart des gens s’éxécutent en suivant les directives. Mais il s’en trouve toujours quelques-uns qui font à leur tête et changent de rang dès que l’employé a le dos tourné, à la recherche de bleuets plus gros ou de plants plus abondants de fruits. Et l’employé de les ramener à l’ordre:

– Non, madame, pas ce plant. Il faut cueillir de ce côté.
– Ben, monsieur, ils plus gros par ici !
– Madame, il faut vider un rang à la fois. Regardez comme il faut. Il y a encore plein de fruits ici. Quand ce sera terminé, nous passerons à l’autre rang.

A un moment donné, une nouvelle cueilleuse se présente au bout du champ. L’employé part à sa rencontre pour la placer au bon endroit. Trop enthousiaste à remplir son seau, elle commence à cueillir après avoir choisit son plant elle-même.

– Non, madame, vous devez me suivre. Vous ne devez pas cueillir là tout de suite.
– Monsieur, je veux rester ici. Regardez, les bleuets sont gros ici!
– Madame, s’il vous plaît… je ne peux pas laisser les gens cueillir n’importe oà…

S’ensuit un échange entre les deux. L’employé gardant son calme et sa politesse. Finalement, la dame, non contente d’être ainsi privée de sa liberté, décide d’abandonner sa cueillette et sort du champ aussi vite qu’elle y est entrée…

Il est vrai que les plants auxquels nous étions attitrés n’étaient pas tous débordants de fruits. Par contre, en regardant les bleuetiers sous différents angles, et en retroussant des branches ici et là, on trouvait de quoi remplir son contenant.

Évidemment, ceux qui recherchaient la facilité, la cueillette sans avoir trop à se pencher ou à relever des branches, laissaient beaucoup de bleuets sur leur passage. Et est-on surpris d’entendre que c’eux qu’on entendait le plus critiquer ?

– Vouloir gros. Vouloir vite. Avec le moins d’effort possible.
– Dépenser ses énergies à comparer ou à critiquer au lieu de s’affaire à ce qui nous fera réellement avancer vers notre objectif.
– S’étourdir en recherchant des trésors ailleurs alors qu’il sont déjà à notre portée et qu’il suffit qu’on regarde au bon endroit pour les trouver.

Le succès selon Thomas Edison :
1% d’inspiration
99 % de transpiration

A trop vouloir la cueillette facile…

Une dame près de moi était particulièrement forte sur la critique. Critique de l’employé. Critique des bleuets. Critique d’une enfant qui pleurait. Critique de personnes de sa famille, dont elle racontait des anecdotes à sa partenaire de cueillette.

Peut-être que si son esprit avait été davantage concentré sur sa tâche, elle n’aurait pas renversé son seau de bleuets qui était presque plein.

Peut-être que oui… Peut-être que non… On ne le saura jamais.

Quoiqu’il en soit, pendant qu’elle ramassait un à un ses bleuets roulés dans le gazon, j’ai pu terminer de remplir mon seau avec tous ces bleuets qu’elle avait laissés sur son passage… sur les plants soit-disant vides…